Le financement participatif, plus communément appelé crowdfunding, a longtemps été perçu comme un levier essentiel de l’innovation et du dynamisme économique. Cependant, le secteur traverse une période difficile en 2024, marquée par une nette diminution des montants collectés et un ralentissement global. Ce retournement de tendance, après une année 2023 encourageante, incite à une réflexion plus approfondie sur les causes de cette baisse et sur les perspectives futures. Quels sont les secteurs les plus impactés ? Quelles sont les opportunités qui persistent malgré ce contexte ? Et surtout, quels enseignements peut-on tirer de ce début d’année 2024 ?
Un recul général des fonds collectés
Le premier semestre 2024 a enregistré une baisse notable des montants collectés via les plateformes de crowdfunding en France. Selon le baromètre établi par Mazars et France Fintech, les fonds récoltés ont chuté de 24,9 % par rapport à la même période en 2023. En effet, seulement 830 millions d’euros ont été collectés, contre 1.106 millions d’euros l’année précédente. Ce déclin contraste fortement avec les 2.089 millions d’euros collectés sur l’ensemble de l’année 2023.
Le crowdfunding, qui repose principalement sur trois modes de financement – dons, prêts et investissements – est en déclin dans chacune de ces catégories. Les dons, bien que souvent plus résilients, ont chuté à 72,8 millions d’euros, les prêts ont baissé à 633,5 millions d’euros, et les investissements à 123,7 millions d’euros. Ces chiffres soulignent un recul généralisé et impactent directement le nombre de projets soutenus, qui est passé de 64.556 à 46.204 sur un an.
Les secteurs sous pression
L’immobilier, toujours dominant mais fragile
L’immobilier demeure le secteur phare du crowdfunding en France, mais il n’est pas exempt de difficultés. Avec 459 millions d’euros collectés pour financer 536 projets, ce secteur représente une part conséquente des fonds récoltés au premier semestre 2024. Cependant, des signes de fragilité commencent à se manifester. Le taux de retards dans les remboursements augmente, notamment dans les projets immobiliers où entre 15 % et 20 % des opérations subissent des retards de plus de six mois. De plus, certaines de ces opérations ont même été placées en procédure collective, accentuant les inquiétudes des investisseurs.
Les énergies renouvelables résistent
Contrairement à l’immobilier, le secteur des énergies renouvelables fait preuve d’une résilience remarquable. Malgré la baisse globale du crowdfunding, ce domaine continue d’attirer des fonds et affiche un taux de retard quasi nul dans les projets financés. Cette résilience s’explique en grande partie par la confiance des investisseurs dans la transition énergétique et par le caractère pérenne des projets soutenus. Les énergies renouvelables pourraient ainsi constituer une opportunité intéressante pour les investisseurs à la recherche de placements plus sûrs dans un contexte incertain.
Une concentration du marché des plateformes
Le marché du crowdfunding en France est de plus en plus concentré, avec un petit nombre de plateformes dominant largement le secteur. Trois d’entre elles captent près de 30 % des fonds collectés au cours du premier semestre 2024, tandis que le top 10 des plateformes représente 56,8 % de la collecte globale. Cette concentration du marché peut s’expliquer par la confiance accrue des investisseurs envers des plateformes bien établies et par l’effet de réseau qui favorise ces dernières. Une seule plateforme a d’ailleurs réussi à franchir la barre des 100 millions d’euros collectés à mi-année.
Les risques croissants pour les investisseurs
Prêts et investissements sous pression
Le financement participatif par prêt, notamment celui destiné aux petites et moyennes entreprises (PME), présente des risques accrus en 2024. La hausse des procédures collectives affecte particulièrement ce secteur, rendant le remboursement des prêts plus incertain. Cependant, certains placements demeurent intéressants en termes de rentabilité, notamment dans l’immobilier où le taux de rendement interne (TRI) atteint en moyenne 10,9 %. Du côté des investissements en capital, les résultats sont plus mitigés : sur les 31 sorties réalisées au premier semestre 2024, 61,3 % ont généré des retours positifs pour les investisseurs.
Les Jeunes Entreprises Innovantes : un espoir pour l’avenir
Le secteur de l’innovation continue d’attirer des fonds, avec 123,7 millions d’euros collectés sur 153 projets durant les six premiers mois de 2024. Les Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) bénéficient en particulier de dispositifs de soutien qui pourraient stimuler de nouveaux investissements au second semestre, notamment grâce à l’élargissement de leur statut prévu dans la loi de finances. Ce soutien accru pourrait permettre de relancer l’intérêt pour les projets à forte valeur ajoutée technologique, malgré le contexte morose.
Un secteur toujours prometteur
Malgré une baisse significative de la collecte de fonds en 2024, le secteur du crowdfunding en France conserve des segments de résilience. L’immobilier et les énergies renouvelables continuent d’attirer des investissements, bien que les risques soient en augmentation, notamment en matière de remboursement. Les mois à venir seront cruciaux pour évaluer si ces tendances se confirment ou si le secteur parviendra à rebondir, soutenu par des dispositifs tels que ceux en faveur des jeunes entreprises innovantes. Dans ce contexte, la diversification des investissements et une évaluation minutieuse des risques seront plus que jamais des clés pour les investisseurs.