À la fin de l’automne, l’État Islamiste dévoilait son intention de créer sa propre monnaie, dans la foulée il dévoilait son budget de 2 milliards destinés à gouverner les 6 millions de personnes qui peuplent le territoire qu’il contrôle. Daesh commerce avec l’Occident et l’Orient, ses produits arrivent sur les marchés européens, américains et asiatiques. Il conforte son magot. Il navigue comme un poisson dans l’eau, dans le système financier international. Comment ?
La région est plombée par la désertification, mais l’État islamique (IE) contrôle la majeure partie des deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate, en Syrie et en Irak. Il gouverne 6 millions de personnes dont 1,5 million à Mossoul, deuxième ville d’Irak. Cette année, son budget de fonctionnement sera de 2 milliards de dollars pour indemniser les victimes de la guerre et payer les fonctionnaires. Il recrute des cadres supérieurs, des ingénieurs, des médecins. Daesh est bien intégré dans la mondialisation, il y commerce avec profit.
Un commerce profitable
Alors que la catastrophe alimentaire est déjà là, Daesh a mis la main sur l’eau et le grain. Il a conquis des réserves alimentaires stratégiques ainsi que de vastes étendues de terres à blé. L’arme alimentaire parfaite et une source de profit pérenne. Babylone, Ninive, les ruines grecques ou romaines sont, aujourd’hui, des antiquités très lucratives, tout comme les musées. Depuis 2011, le pillage est estimé à 7 milliards de dollars par Irina Bokova, Directrice générale l’UNESCO. Et ce chiffre ne concerne que la Syrie, pas l’Irak.
Daesh a réactivé les réseaux de contrebande de Saddam Hussein. Au-delà de ces réseaux, on entre dans le « circuit financier officiel ». Ainsi l’UNESCO rapporte qu’une partie des antiquités volées a été écoulée dans les salles de vente occidentales parfois les plus prisées. Même phénomène avec le pétrole de Daesh consommé en Europe. La somme de tous les trafics (pétrole, gaz, phosphate, ciments …), est estimé à 2.9 milliards de dollars par Reuters.Ces chiffres ne tiennent pas compte des gains issus du trafic des femmes et des enfants ou du trafic d’organes.
Le magot
Ces revenus commerciaux viennent s’ajouter au magot déjà constitué. Au début de la guerre civile, l’Arabie Saoudite, le Qatar et le Koweit ont subventionné « les rebelles syriens » qui s’opposaient au pouvoir chiite de Bachar el Assad. Parallèlement, sous couvert d’aide aux enfants syriens, des ONG originaires du Golfe remplissaient les caisses de Daesh. Selon les experts américains, cette dotation a constitué, dans le magot de l’EI, une première strate de 800 millions de dollars. La prise de Mossoul a ajouté une deuxième strate de 450 millions. Par ailleurs, Mossoul a permis d’équiper de pied en cap plusieurs dizaines de milliers de combattants avec ce qu’avait abandonné l’armée irakienne.
Un tel ensemble n’est pas viable sans être adossé au système financier international.
Daesh et la porosité bancaire
L’ostracisation financière de Daesh n’a pas encore lieu, pour ne pas s’aliéner les 6 millions de personnes vivant sur le territoire de l’État Islamique. Au travers des villes conquises, il contrôle une partie des réseaux bancaires et financiers d’Irak et de Syrie qui lui ouvrent l’accès à l’international et notamment au marché français. Les banques occidentales se trouvent placées dans la contradiction de devoir respecter les lois sur le financement du terrorisme en tout en commerçant avec les banques de la région dont le point fort n’est pas la lutte contre le blanchiment d’argent (AML).
L’Irak et la Syrie sont tous les deux des pays sous-bancarisés. Daesh lors de sa conquête territoriale, a saisi des dizaines d’agences ou de filiales bancaires. Parallèlement, dans sa volonté de créer un état, il construit son propre système financier.
Un système bancaire en ruine …
En Syrie, les banques sont au bord du collapse : la monnaie s’est effondrée, les créances douteuses s’envolent, la liquidité est faible. En Irak, les banques sont hors-sol déconnectées de l’économie. Leur fonction est de distribuer l’argent de la corruption sous forme de prêts que les bénéficiaires ne remboursent jamais. Pour les Irakiens, le service bancaire se limite à la fonction coffre.
Ces coffres ont été la proie des combattants de Daesh, qui ont préservé l’outil bancaire en l’état. En Syrie, quand on rapproche les implantations bancaires (cf : Banque Centrale de Syrie) avec la carte des combats, un tiers des implantations est contrôlé par Bachar El-Assad, 15% sont situés sur le territoire de Daesh, le reste est dans les zones de combats. La vingtaine de banques syriennes est peu ou prou accédée par Daesh et le groupe Al Nosra.
En Irak, la prise de Mossoul et de ses banques a, d’une part, rempli la caisse de Daesh à hauteur de 450 millions de dollars et d’autre part donné accès au système bancaire irakien. David S. Cohen, sous-secrétaire au Trésor US à l’automne déclarait que l’efficacité financière de l’EI dépend « de son accès au système bancaire en Syrie, en Irak et à l’échelle internationale ». Pour les membres de la coalition anti-Daesh, actuellement, il n’est pas question d’isoler hermétiquement ces deux systèmes bancaires du reste du monde. Les stratèges font valoir que la ruine des banques syriennes et irakiennes, jetterai 6 millions de personnes dans les bras de l’État islamique. La conquête des cœurs est fondamentale.
… Daesh crée son système bancaire
Tout en utilisant le système qu’il a conquis, l’État Islamique construit un propre système bancaire plus conforme à son idéologie. Le New York Times rapporte qu’à Mossoul (Irak), il lance une banque islamique et qu’à Rakka (Syrie), sa capitale, il a chargé la Banque de Crédit de Rakka de collecter l’impôt. Une nouvelle monnaie sera basée sur le poids-or du dinar de l’époque mahométane.